Mgr Marc Aillet, Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron au sujet des révélations privées.

Extraits de la conférence dispensée par Mgr Marc Aillet le vendredi 10 juin 2022 à Bayonne à l’occasion de la récollection annuelle de l’Alliance des Cœurs Unis (retranscription écrite de l’enregistrement audio)

« …/…. On ne peut pas rechercher une révélation autre que celle en qui Dieu nous a tout dit. On ne peut pas chercher une vision autre que ce que Dieu nous a fait voir en son Fils qui a dit :
« Qui me voit, voit le Père ». Vous vous rappelez cela dans le chapitre 14 de Saint Jean, ce fameux discours après la Cène où Jésus, d’abondance du cœur, dit tous ses secrets à ses apôtres, qui nous les ont transmis dans l’Évangile.

Ce qui fait dire au Catéchisme au numéro 66 et suivants : « l’économie chrétienne étant l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais. Et aucune nouvelle Révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus Christ ». C’est un passage de la constitution dogmatique sur la Révélation Divine (Dei Verbum) au numéro 4.

Cependant, même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée. Il restera à la Foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles. C’est ce que l’on appelle sans doute de manière impropre, les progrès du Dogme, c’est-à-dire, des définitions de ce qui est à croire et dont la mission a été remise au Magistère suprême de l’Église, avec une assistance spéciale de l’Esprit Saint qui était promise par Jésus à son Magistère, à ses apôtres, et en particulier au premier des apôtres, qui est Pierre, et donc ses successeurs.

C’est ainsi par exemple que lorsque le bienheureux pape Pie IX définit le dogme de l’Immaculée Conception en 1854, il nous dit explicitement que cela appartient à la Révélation, ce n’est donc pas nouveau. C’est implicitement contenu dans l’Écriture Sainte, même si pendant des siècles, on a pu ergoter parmi les théologiens sur l’interprétation authentique de ces paroles, de ce message révélé qui nous a été transmis par l’Église, depuis le dernier apôtre.

Mais le bienheureux Pie IX, grâce aussi à la dévotion populaire du peuple de Dieu depuis des lustres, grâce au travail des théologiens, grâce à la scrutation de l’Écriture Sainte, peut dire que Marie était conçue sans péché en prévision des mérites de Son Fils qui mourra sur la Croix bien après avoir été conçu dans le Sein virginal de Marie, par l’action de l’Esprit Saint. Et contenu dans la Révélation. Donc ce n’est pas un ajout à la Révélation, c’est une explicitation par le Magistère de l’Église, de ce qui fait partie de la Révélation publique. C’est-à-dire la Révélation que Dieu a faite à l’humanité, à travers les hommes qu’il a choisis, les prophètes, les apôtres, qui sont les interprètes de Jésus, Exégète du Père comme disent les Pères de l’Église, Celui qui a la plénitude de la Révélation.

J’ajoute un passage qui nous concerne un peu, ça tombe bien, au numéro 67 :
Au fil des siècles, il y a eu des révélations dites « privées ». Vous avez bien vu la différence entre la Révélation publique et les révélations privées, dont certaines ont été reconnues par l’Autorité de l’Église. Je pense par exemple au message de Lourdes, pour faire bref, au message de la Vierge Marie à Fatima, aux trois petits voyants de Fatima. Ce qui ne s’est pas fait sans doute sans douleur et ce qui ne s’est jamais fait de manière automatique. Mais toujours avec beaucoup de prudence. Cela, je vous en ai déjà parlé, je crois une autre année.

Ces révélations dites privées n’appartiennent cependant pas au dépôt de la Foi. Le rôle n’est pas d’améliorer ou de compléter la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Intéressant ! Ça montre bien que Dieu qui a parlé une fois pour toutes par Son Fils, Dieu qui nous a parlé à travers une Révélation publique, qui s’achève comme dit la Tradition, avec la mort du dernier apôtre. Cela veut dire qu’aucun pape, qu’aucun Concile Œcuménique ne pourra ajouter quelque chose et prétendre que Dieu leur dit quelque chose de nouveau, par rapport à ce qui était explicitement et implicitement, comme je l’ai dit tout à l’heure, révélé dans la Bible.

Mais quand il y a des révélations privées, Dieu continue d’accompagner son Peuple, vous voyez. Et à certains moments, il lui rappelle les vérités de la Révélation publique qui sont pourtant normalement enseignées par le Magistère ordinaire de l’Église, mais qui sont parfois oubliées ou délaissées, ou mal exprimées dans la vie courante de l’Église.

Alors parfois, le Seigneur, par la Vierge Marie, par Jésus Lui-même, à travers des messagers, essaie de préciser pour l’époque que nous vivons, dans cette étape de l’histoire du salut, et souligne tel ou tel point, telle ou telle dévotion, qui permettent de ramener sans cesse le peuple chrétien à l’adhésion radicale au message de la Foi.

Je le répète, elles n’appartiennent pas cependant au dépôt de la Foi, leur rôle n’est pas d’améliorer ou de compléter la Révélation définitive du Christ mais d’aider à en vivre plus pleinement – à une certaine époque de l’histoire – guidé par le Magistère de l’Église – le sens des fidèles (Sensus fidelium) qui s’enracine dans ce que l’on appelle le « sensus fidei », c’est-à-dire, le sens surnaturel de la Foi qui nous donne d’adhérer, de manière collective du plus grand des Évêques au dernier des fidèles et de manière infaillible, au message révélé tel qu’il est contenu dans l’Écriture Sainte et tel qu’il est transmis dans le Magistère de l’Église à travers la Tradition.

Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui, dans ces révélations, constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église. C’est magnifique, ça ! Pourquoi ? Parce que c’est laissé à l’appréciation des fidèles ; c’est laissé à l’appréciation du sens de la Foi des fidèles !

Quand un messager, ou une messagère, en l’occurrence pour nous, nous transmet des messages qui lui viennent du Ciel, il ne vous appartient pas, pas même à moi, pour l’instant encore, de préjuger de l’authenticité des révélations. Cela suppose une enquête, bien précise de l’Église et il faut un peu de temps.

Ces révélations n’engagent sans doute que celle qui en est porteuse ou messagère et qui n’engagent que ceux qui y adhèrent au nom du sens de la Foi.

C’est la raison pour laquelle, figurez-vous, le pape Paul VI après le Concile a supprimé l’obligation d’obtenir l’imprimatur, c’est-à-dire, l’autorisation officielle avec le sceau d’un Évêque pour publier des révélations dites privées.

La seule vigilance que l’Église doit assurer et que j’essaie d’assurer quant à moi, puisqu’il m’a été demandé d’accompagner pastoralement l’Alliance des Cœurs Unis, c’est de m’assurer que cela ne conduise pas à des attitudes qui prennent des chemins de traverse, de m’assurer que ce qui est publié soit conforme à la Foi et aux mœurs de l’Église catholique, c’est-à-dire, conforme à la Révélation publique. Et qu’on n’y ajoute rien de plus. Et qu’on aide à approfondir et en vivre plus pleinement, à notre étape de l’histoire qui est si particulière, et qui fait partie de ce que l’on pourrait appeler avec saint Louis-Marie Grignon de Montfort, ces temps qui sont les derniers, sans que nous puissions quant à nous décréter quel est le jour, quelle est l’heure, puisque Jésus nous a dit que cela nous resterait inconnu jusqu’à la fin. Vous voyez, c’est tout.

Il ne s’agit pas de dire « oui, c’est vrai ». Ce qui est dit doit être conforme à la vérité révélée.
Et votre attitude, à vous, quand vous y adhérez, vous n’adhérez pas à la personne de la messagère, vous adhérez à Celui et à Celle, Jésus et Marie, le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie, vers lesquels elle vous oriente pour vivre plus pleinement votre vie chrétienne dans sa radicalité, à travers la Consécration de votre vie aux deux Cœurs Unis de Jésus et de Marie.

Suis-je clair ? Et je termine par le dernier paragraphe du numéro 67 : la foi chrétienne ne peut pas accepter des révélations qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. N’ayez crainte, m’est d’avis que ce n’est pas le cas ! C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles révélations.

L’adhésion qui vous entraine à vivre plus pleinement votre foi chrétienne dans votre vie quotidienne ne repose pas sur l’autorité de la messagère. Cela ne lui confère aucune autorité sur votre vie chrétienne. Mais repose sur l’autorité du Christ qui l’a confiée à Son Église. C’est important de se redire ça, pas pour vous, parce que je suis sûr que vous en êtes tous absolument convaincus, mais pour ceux de l’extérieur qui ne comprennent pas toujours ce que vous vivez, ce à quoi vous adhérez, comment vous le vivez.

A vous précisément parce que vous êtes des adultes dans la Foi (et il faut cesser d’être dans le cléricalisme qui prétend tout régenter), à vous d’adhérer au nom du sens surnaturel de la Foi ; allez relire le paragraphe de la constitution dogmatique sur l’Église « Lumen Gentium », sur le mystère de l’Église ; allez relire le numéro 12 ! … Je crois que c’est un point important, qui définit ce qu’est le sens surnaturel de la Foi du Peuple de Dieu, dont vous êtes membres par votre Baptême, par votre Confirmation.

C’est ce qui était convoqué dans cette démarche synodale qui s’achève maintenant dans sa phase diocésaine, n’est-ce pas ? Comme le pape l’avait dit au début, le Synode n’est pas un sondage d’opinions, car si le synode était une collecte d’opinions des fidèles, on risquerait de trouver beaucoup d’opinions qui viennent finalement de l’esprit du monde et pas du sens authentique de la Foi.

Je peux vous dire qu’en lisant les contributions, à côté de très belles choses qui viennent en effet du sens de la Foi, je trouve des choses qui n’appartiennent pas à la Foi, qui ne sont pas de l’esprit de l’Évangile, qui sont de l’esprit du monde.

Ajoutons que le Synode n’est pas non plus un parlement où il s’agit de déterminer une majorité qui l’emporte sur une minorité selon le lobbying auquel on est habitué dans les parlements européen ou français, que sais-je encore. Non, ce qui était convoqué dans cette démarche synodale, cette consultation générale du peuple chrétien, demandée par le pape François, pour préparer le synode des Évêques d’octobre 2023, sur le thème « pour une Église synodale, communion, participation, mission » … c’est le sens de la Foi, l’adhésion du peuple de Dieu tout entier depuis les Évêques jusqu’au dernier des fidèles, comme je l’ai dit tout à l’heure, de manière infaillible aux vérités révélées. Sens de la Foi qui est suscité en nous par l’Esprit Saint et qui est conduit et formé par le Magistère de l’Église.

Donc, il est bien évident que vous n’allez rien réinventer, c’est ce qu’on vient de dire tout à l’heure ; ce que nous pourrons dire sur la vie de l’Église ne pourra que s’enraciner dans la Révélation publique, sans rien y ajouter, sans rien n’en retrancher ; même si ce sera aussi pour vivre peut-être plus pleinement à cette étape de l’histoire de l’Église, les vérités transmises par le Magistère de l’Église de manière fidèle depuis 2000 ans.

Donc le sens de la Foi mérite d’être formé, il mérite d’être toujours plus approfondi et pour adhérer à la Révélation publique et reconnaître ce qui, dans les révélations privées, nous permet de vivre plus pleinement notre Foi à cette étape de notre histoire, nécessite que vous formiez toujours plus le sens de la Foi, suscité par l’Esprit Saint, en étant toujours plus à l’écoute de l’Esprit Saint.
Et où est-ce que l’Esprit Saint parle ? Avant de parler dans le cœur de chacun, il parle à travers la Parole de Dieu. La Parole de Dieu, c’est le fondement de toute vie chrétienne, car la Foi est d’abord une réponse, une obéissance, une adhésion à la Parole de Dieu qui nous est transmise à travers la Révélation et la Tradition de l’Église. D’accord ?

Donc je ne saurais trop recommander pour vivre plus pleinement votre Foi – je sais que vous avez à cœur de le faire dans vos groupes de prière – de partir de la Parole de Dieu et d’approfondir cette Parole avec le Magistère de l’Église.

Et le Magistère de l’Église nous a offert comme cadeau – comme vous le savez – cela fait déjà 30 ans – la célébration cette année du 30e anniversaire de la promulgation par la Constitution apostolique, s’il vous plait ! du Pape Saint Jean-Paul II, qui est le document de référence de la Foi chrétienne : le « Catéchisme de l’Église Catholique ».

Un membre de l’Alliance doit avoir, sans doute « les Secrets du Roi », il doit avoir le livre de prière du 3e volume, bien sûr, mais il doit avoir aussi, « quam primum », une Bible… complète… sans commentaires même si elle peut avoir des notes qui aident à la compréhension de certaines choses un peu difficiles à comprendre, une Bible… et un Catéchisme de l’Église catholique ! …./…. ».

Mgr Marc Aillet, Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron